Question écrite du 1er mars 2016 au Ministre de la Justice : cryptage des Smartphones
Monsieur le Ministre,
La justice américaine a récemment demandé à la société Apple de l’aide technique pour faciliter l’accès aux données d’un de ses produits. En effet, les enquêteurs veulent accéder au contenu du smartphone de Sayed Farook, un des deux auteurs décédé de l’attentat de San Bernardino. Or, celui-ci est protégé par un dispositif provoquant l’effacement des données après l’introduction de dix codes secrets erronés. Le FBI demande la neutralisation de ce système, ce qui permettrait à ses experts de multiplier les tentatives de débloquer le téléphone. Cette demande illustre la difficulté des enquêteurs face aux cryptages des smartphones, qui sont de plus en plus sophistiqués. Plus près de chez nous, en France, le téléphone de Sid Ahmed Ghlam, un étudiant en informatique qui projetait un attentat en avril 2015 contre une église de Villejuif, est à ce jour inutilisable. En 2015, la police judiciaire française n’a pu se servir des données de huit des 133 téléphones analysés. Comme le résume François Molin, procureur de la République de Paris, « C’est effectivement un gros souci qu’on a, dans la mesure où les évolutions technologiques et les politiques de commercialisation d’un certain nombre d’opérateurs font que si la personne ne veut pas donner le code d’accès, on ne peut effectivement plus rentrer dans le téléphone ». Suite aux révélations d’Edward Snowden sur les activités de la National Security Agency (NSA), les multinationales ont effectivement développé des systèmes de chiffrement total des données qui rendent impossible l’accès aux informations et permet de dissimuler le contenu des échanges téléphoniques. Ces dispositions entravent les services de renseignements dans leur lutte contre le terrorisme et renvoient à l’équilibre fragile entre sécurité et liberté. Plus inquiétant, les fabricants eux-mêmes se disent incertains d’être capables de décrypter leur propre système de sécurité.
1. Combien de smartphones ont été analysés chaque année par les enquêteurs dans le cadre d’enquêtes anti-terroristes depuis 2010 (si possible depuis 2001)? Qu’en est-il pour d’autres infractions?
2. Les enquêteurs sont-ils régulièrement confrontés à des situations où les données d’un smartphone sont inutilisables pour cause de cryptage? Disposez-vous de chiffres annuels depuis 2010 (si possible depuis 2001)?
3. Des accords existent-ils ou sont-ils en ce moment négociés avec les sociétés concernées pour faciliter le décryptage des smartphones?
Le Ministre, dans sa réponse écrite, a précisé les éléments suivants:
Réponse 1. et 2. Interrogé sur le sujet, la Federal Computer Crime Unit (FCCU), chargée de la lutte contre la criminalité ICT au sein de la Direction centrale de la lutte contre la criminalité grave et organisée de la police fédérale, a précisé qu’il n’y avait pas de manière uniforme de compter les gsm dont le contenu a été lu. Les enquêteurs sont en effet régulièrement confrontés au cryptage de données. Aucun chiffre n’est non plus disponible en la matière. Cette matière est en constante évolution. Les solutions pouvant être mises en oeuvre seront examinées en concertation avec les services de police étrangers et Europol.
3. Des accords avec les sociétés en tant que telles ne sont en soi pas nécessaires. La coopération notamment en matière de décryptage des smartphones va dépendre de la législation du pays dans lequel est basé la société en question et des accords de coopération existants avec ces pays.