Question écrite posée le 24 octobre 2017 à la Ministre de l’Énergie, de l’Environnement et du Développement durable
Brexit – Coût de l’électricité.
« Madame la Ministre,
La Belgique et la Grande-Bretagne sont occupées à immerger 130 km de câbles électriques au fond de la mer du Nord entre Zeebruges et Richborough. Le nom de ce projet: Nemo. D’ici 2019 le réseau électrique belge devrait être relié à celui de la Grande-Bretagne. Coût estimé: 660 millions d’euros. Ce projet est censé améliorer l’approvisionnement en électricité des deux pays. Cependant, le professeur Damien Ernst spécialiste de l’énergie à l’université de Liège vient d’attirer l’attention sur le fait que le prix de l’électricité étant plus élevé en Grande-Bretagne, les consommateurs belges devraient être lésés si la fourniture de l’électricité provenait de la Grande-Bretagne. Les promoteurs du projet Nemo Link admettent ce surplus de coûts, mais « espèrent » qu’à long terme l’inter connectivité des réseaux électriques diminuera le prix moyen de l’électricité en Europe.
1. Comment pouvons-nous croire de tels propos? Il y a 20 ans que le marché de l’électricité a été libéralisé, pourtant nous constatons que si la libéralisation a diminué le prix dans certains secteurs par exemple les communications téléphoniques, tel n’est pas le cas du coût de l’électricité résidentielle qui en Belgique est supérieur à la moyenne européenne et quasi le double du prix par rapport aux États-Unis.
2. Si ce projet avait un sens avant le Brexit, pouvez-vous nous informer quant à la rentabilité de ce projet après le Brexit? Quels avantages économiques réels et non pas potentiels basés sur des « espérances », la Belgique peut-elle retirer de ce type de projet? Quid de la probable nouvelle augmentation de coût pour les citoyens? »
La Ministre, dans sa réponse écrite, a précisé les éléments suivants:
« Je tiens en premier lieu à rappeler que les interconnexions jouent et joueront davantage un rôle clé dans le cadre de la sécurité d’approvisionnement de l’Union européenne. En particulier, l’interconnexion Nemo sera de nature à renforcer la sécurité et la diversification de l’approvisionnement électrique de notre pays. En ce qui concerne votre première question relative à l’effet de Nemo sur les prix de l’électricité en Belgique, Nemo Link est le premier interconnecteur qui relie directement la Belgique et le Royaume-Uni. La mise en service de l’interconnexion est prévue pour début 2019 et elle permettra à l’électricité de circuler dans les deux sens entre le Royaume-Uni et la Belgique. Actuellement, des échanges peuvent déjà avoir lieu aussi grâce au couplage de marchés sur les marchés day-ahead qui a été mis en place dans la plus grande partie de l’Europe. L’unique différence est que l’échange physique de cette énergie devait toujours se dérouler par le biais des interconnexions existantes entre le Royaume-Uni et la France ou les Pays-Bas.
Par définition, quand on augmente la capacité d’interconnexion, on accroît ipso facto l’intégration des marchés, ici, des marchés du Royaume-Uni et « NWE » (North West Europe). Au plus les marchés sont intégrés, au plus la liquidité de ce marché est grande, donc on accroît le niveau de concurrence. De manière générale, c’est favorable pour les consommateurs car cela a tendance à tirer les prix à la baisse. Nemo donnera donc accès à plus d’électricité, les acheteurs se dirigent évidement toujours vers l’électricité disponible la moins chère. Je ne dois bien entendu pas vous dire que les échanges se font heure par heure et qu’en fonction du prix, Nemo Link importera à une telle heure et exportera à une autre heure. Les prix sont aujourd’hui plus élevés au Royaume-Uni qu’en Belgique, d’une part pour des raisons fiscales, d’autre part à cause de l’inflation actuelle suite au Brexit. Effectuer une prédiction infaillible de l’évolution que connaîtront les prix dans les différents pays est très difficile parce qu’un grand nombre de facteurs ont un impact sur ces prix. L’évolution des prix sera en premier lieu influencée par la politique énergétique choisie dans les deux pays, notamment en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables et la politique de prix du CO2.
Pour le moment, le prix minimum du CO2 qui a été fixé au Royaume-Uni jusque début 2021 est plus élevé que sur le continent européen, ce qui donnerait à court terme en moyenne un prix plus élevé au Royaume-Uni. D’autre part, le Royaume-Uni possède un très grand potentiel en énergie renouvelable, principalement en énergie éolienne (offshore). La réalisation de ce potentiel dotera le Royaume-Uni d’une immense source d’énergie bon marché, entraînant des baisses de prix au Royaume-Uni, permettant d’utiliser davantage Nemo Link pour des importations vers la Belgique que pour des exportations. Eu égard aux récentes diminutions de prix dans la construction de parcs éoliens offshore, une réalisation accélérée de ce potentiel peut survenir au Royaume-Uni. Dans le cas d’un tel développement, le consommateur belge pourra en profiter, étant donné que le nombre d’heures où il y aura davantage d’importations à partir du Royaume-Uni augmentera. Sur la base des dernières études de ENTSO-E dans le cadre du plan de développement du réseau européen (Ten Year Network Development Plan) de 2016, ce basculement se trouve dans 3 des 4 scénarios étudiés pour (avant) 2030. Impact du Brexit sur la rentabilité de Nemo Link En ce qui concerne votre question relative à l’impact du Brexit, il est presque impossible d’y répondre aujourd’hui, étant donné que personne ne sait pour le moment de quelle façon le Brexit va être réglé.
Je souhaite souligner que le consommateur belge, donc le client résidentiel, ne ressentira normalement aucun effet préjudiciable d’un changement dans la rentabilité du projet, compte tenu du fait que le financement de l’interconnecteur Nemo Link se fait normalement sur la base des différences de prix entre les marchés, et non sur la base des tarifs « réseaux ». Pour poursuivre sur la rentabilité du projet Nemo, celui-ci est principalement influencé par les différences de prix entre les marchés après couplage des marchés. Si le règlement du Brexit conduit à l’introduction de tarifs d’importation et d’exportation sur l’échange d’électricité entre le Royaume-Uni et la Belgique, celui-ci aura bien entendu un effet négatif. Comme indiqué précédemment, les évolutions de prix sur les deux marchés sont dans un premier temps influencées par la politique énergétique choisie dans les deux pays. Un changement vers le bas de la politique de prix du CO2 et un développement accéléré de l’éolien offshore peuvent alors avoir un effet positif sur la rentabilité. Le Brexit aura donc peut-être un impact sur la façon dont le couplage de marchés se déroulera dans la pratique, mais les avantages sous-jacents de cette nouvelle liaison pour les deux pays restent en revanche fondamentalement identiques ».