Suicide au sein des forces de police

Question écrite posée ce 27 avril 2017 auprès du Vice-Premier ministre et ministre de la Sécurité et de l’Intérieur, chargé de la Régie des Bâtiments
Suicide et santé mentale au sein des forces de police.

Monsieur le Ministre, 

Depuis plusieurs années, nous constatons que le taux de suicide dans les forces de police est supérieur au taux de suicide des autres catégories professionnelles. L’an passé, une vingtaine de policiers se sont suicidés. Le bilan n’a jamais été aussi lourd depuis 2011. Le stress et les traumatismes sont des facteurs aggravants. Ce constat n’est pas propre à la Belgique, mais dans certains pays des plans de prévention et des analyses psychologiques sont mises sur pieds pour évaluer l’état de santé mental des policiers. Une étude conduite aux États-Unis a mis en évidence que les suicides n’étaient en fait que la pointe visible de l’iceberg. En effet il semblerait que pour chaque suicide, des centaines d’autres policiers seraient victimes de troubles post-traumatiques. Des programmes de santé avec des thérapeutes externes aux services de police ont été mis sur pieds. Les policiers peuvent y participer sur base volontaire et confidentielle. Cette méthode de travail a permis de diminuer les suicides et assure un meilleur équilibre mental aux policiers qui subissent tous les jours du stress et de l’anxiété. Un policier stressé ou traumatisé représente un danger pour lui, pour ses collègues et pour la population.
1. Afin de faire diminuer cette statistique, pouvez-vous nous dire si un plan de prévention avec des cellules psychologiques externes (pour des raisons de confidentialité) a été mis en place ou peut être mis en place pour aider nos services de secours à appréhender les stress et les traumatismes liés à leurs fonctions? 2. Ce plan pourrait-il être étendu à nos services incendies et à nos militaires?
Le Ministre, dans sa réponse écrite, a précisé les éléments suivants:
1. Le suicide est « rarement » la conséquence d’une seule cause. En effet, différents facteurs peuvent entrer en ligne de compte et ne sont pas indépendants les uns des autres. Le suicide peut donc trouver ses causes dans la vie privée, la personnalité ou la vie professionnelle de la personne. Cependant, même si tout suicide n’est pas systématiquement lié au travail, on ne peut se permettre d’évacuer le problème en le mettant sur le compte des « problèmes personnels et psychologiques » rencontrés par les victimes, sans s’interroger sur l’organisation du travail, sur les relations de travail, sur les restructurations et leur impact et la façon de les faire évoluer. Il est important de parler de ces faits, de se questionner sur les causes, le pourquoi, même si faire le lien entre le travail et le passage à l’acte reste éminemment délicat. Il est fondamental de veiller – chaque jour – à sauvegarder au travail le dialogue, la convivialité et la solidarité, meilleurs remparts contre le mal-être. Devant le constat du nombre de suicides au sein des services de police, un groupe de travail police intégré a été constitué en 2006 afin de prévenir au mieux le suicide. De ce groupe de travail, sont ressorties toute une série de recommandations telles que la mise en place de formations spécifiques à la prévention du suicide pour tout membre du personnel mais aussi spécifiquement pour les membres de la ligne hiérarchique ou encore le fait de parler de cette problématique dans un maximum de formation en lien avec le bien-être psychosocial. Mais depuis 1993 déjà, il existe à la police fédérale un service d’appui psychosocial pour les membres du personnel, le Stressteam. Son rôle est d’assurer une prévention primaire, secondaire et tertiaire dans les problématiques psychosociales que peuvent rencontrer les policiers, telles que le stress, le trauma, le burn-out, la dépression, et bien entendu le suicide. Le Stressteam est composé d’assistants sociaux et de psychologues strictement tenus au secret professionnel, tel que l’exige leurs titres. Les membres du personnel peuvent donc s’adresser au Stressteam en toute confidentialité et même de manière anonyme si souhaité et bien entendu sur base volontaire. C’est un service qui travaille au profit de la police intégrée, au moyen de conventions. Il intervient principalement de manière totalement gratuite pour la police locale en cas de situations de crise telles que des échanges de tirs, des accidents, des décès, des cas de violence contre les policiers, etc. Il intervient aussi sans condition lors de catastrophes ou d’attentats comme ce fût le cas le 22 mars 2016. L’intervention du Stressteam se fait également dans l’accueil et l’accompagnement psychologique des membres du personnel suite à une situation professionnelle difficile. – Il donne également des informations sur les procédures administratives et, si nécessaire, réoriente vers les services les plus adéquats pour répondre au mieux à la problématique. Toutes ces interventions ont pour objectif d’intervenir au plus tôt pour diminuer les risques de développement d’un syndrome de stress post traumatique (SSPT) ou d’un autre trouble psychologique comme l’anxiété, l’incertitude, le burn-out, etc. Lorsque les membres du personnel ont développé des symptômes de SSPT, les assistants sociaux et les psychologues du Stressteam utilisent les techniques de l’intervention de crise (defusing, debriefing, psychoéducation, entretiens, etc.) et des psychothérapies adaptées aux problématiques fréquemment rencontrées dans les services de police (systémique brève, hypnothérapie, EMDR, EFT, TCC, etc). À côté de cela, plusieurs initiatives ont été prises au sein de la police. – Les canevas mis à disposition de la ligne hiérarchique pour les analyses des risques des groupes de fonction reprennent tous un volet prévention des risques psychosociaux; – Le Service (interne et/ou externe) de Prévention et de Protection des Travailleurs a un département prévention des risques psychosociaux. Ce département prend en charge les analyses des risques psychosociales lorsqu’un danger est détecté dans une entité précise ainsi que les plaintes formelles des membres du personnel en cas de violence et de harcèlement; – Le réseau des personnes de confiance est un support dans la prévention des risques psychosociaux puisque ce sont des acteurs de première ligne dans la gestion des plaintes informelles. Les membres du personnel peuvent s’adresser à ces services pendant leurs heures de travail. Ils ont aussi la liberté de s’adresser à des thérapeutes ou services externes à la police, dont les prestations peuvent dans certains cas être remboursées; – La réintégration au travail des membres du personnel absent de longue durée est insérée dans un projet plus global qui vise à garantir le bien-être au travail des membres du personnel. – Plusieurs initiatives de sensibilisation et de communication sont prises dont plusieurs newsletters et fiches de prévention mensuelle (par exemple PREV-info de CGWB/Safety.AT-AO, abordant entre autre les relations au travail, le suicide, la prévention du suicide, la fiche sur la prévention des souffrances et du suicide (Fiche accident 7-8/2015), etc. – Pour finir, il existe un certain nombre de formations continuées où l’aspect prévention des risques psychosociaux est évoqué: o la gestion d’événements traumatogènes; o traumatisme à la suite d’un travail policier; o maîtriser le stress opérationnel; o stress dans le cadre du travail policier; o gestion du stress. – Dans la formation fonctionnelle « assistant de police », les cursistes apprennent dans le module 3.10. « Formation sociale » à reconnaître les signes et symptômes d’expériences post-traumatiques et de stress et à comment y réagir de manière appropriée. – Dans la formation fonctionnelle « police de quartier », les cursistes apprennent dans le module 2.2. « Gestion du stress » à reconnaître les symptômes de stress chez soi et chez les autres et à expliquer les conséquences de l’exposition au stress (syndrome d’exagération, burnout, Posttraumatic Stress Disorder – PTSD). – Le sujet est également abordé dans les formations en maîtrise de la violence. Pour être complet, j’ajouterai que certaines zones de police disposent de leur propre Stressteam (dont le fonctionnement varie d’une zone à l’autre) ou organisent une « équipe d’aide » au sein de laquelle les collègues eux-mêmes fournissent le premier accueil et le soutien. Le médecin du travail est également un acteur non négligeable puisque tout membre du personnel a le loisir de le consulter sur simple demande. Il existe également des services d’appui psychologique pour les intervenants de première ligne (pompiers, policiers, ambulanciers) au niveau de certaines provinces (Liège, Hainaut).

2. Au niveau des services incendies, les suivis posttraumatiques sont assurés par des équipes FiST (Firefighter stress team). Il s’agit d’une assistance psychologique assurée par les pairs dans les services d’incendie. L’action de ses équipes FiST consiste à assurer un soutien de première ligne aux membres des services d’incendie. Cependant l’action de ces équipes n’est pas d’assurer un suivi post-traumatique sur du long terme. En ce qui concerne la situation à l’armée, je vous renvoie vers mon collègue Steven Vandeput, ministre de la Défense.

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